Les sentiments d'un prince abbatu (Open)

Peu de temps après le lever du soleil, la nouvellement Haute-Prêtresse de Kahara, Lesly, se présenta au Temple, armée de la banière qu'avait fait Nyma. Le tissus souple flottait dans la légère brise qui obliquait la pluie ruisselante sur le village. Outre quelques créatures, Kahara était bien tranquille depuis qu'Anahra avait laissé son foulard au village. Aussi la nuit avait-elle été paisible pour presque tous.

À son approche, la Haute-Prêtresse remarqua évidement le prince et le salua bien bas :

- Mon Seigneur, bon matin.

Elle accrocha la banière d'un geste qui laissait parraître une grande habitude et déclara :

- Mais je crois que mes souhaits de bonne journée seront vains, votre coeur semble habité par un grand deuil, je me trompe ?

Très doucement, sans aucuns mouvements brusque et ses yeux gris prirent le temps de détailler plus amplement le nouveau seigneur de l'endroit avant qu'elle ne demande :

- Désirez-vous parler ? Mes oreilles sont capables d'écouter, et ma bouche restera à jamais scéllée sous le poids de vos paroles, j'en fais le serment.

Lesly observe le jeune prince sans ciller. Sur son visage empreint d'une réelle compassion, une ombre plane tandis qu,elle répond à la question de Lionnel :

- Nous perdons tous des êtres chers, mon seigneur. Enfants, vieillards, dans la fleur de l'âge... ainsi est la valse entre la vie et la mort. La façon peut influencer la réaction qui s'en suit, et ni vous ni moi ne savons ce qu'il adviendra du coupable. Son crime ne restera pas impuni : Cnek y veillera personnellement. Mais pour vous-même, le deuil devra se faire. Cela prendra du temps, de l'énergie, mais le jour où vos pensées envers l'être cher vous fera sourire, alors votre vie reprendra son court normal.

La Haute-Prêtresse laisse passer un moment de silence avant de demander sur un ton plus bas :

- Si la chance vous était offerte, auriez-vous le désir de communiquer avec l'âme de la défunte ? J'en ai le pouvoir ; son âme n'est pas encore réincarnée.

Devenue très grave, Lesly était toutefois encore compatissante. Elle eut un signe négatif de la tête avant de mentionner :

- On peut invoquer un esprit avant qu'il ne soit réincarné, mais pas l'échanger contre un autre... Si Cnek garde Nyma aurpès de lui, c'est qu'il a de bonnes raisons. Lionnel, je suis désolée de prononcer ces paroles, mais il vous faudra faire votre deuil. Je vous en prie, monseigneur : ne parlez pas de la mort comme s'il s'agissait d'un châtiment. Le seul vrai châtiment c'est Cnek et lui seul qui peut l'appliquer, et il ne le fera pas à votre bien-aimée. Il le fera plutôt subir à son assassin.

"Donc, voulez-vous que j'invoque l'esprit de la défunte ?"

Teleras se rapprocha des deux personnes qui discutaient. Il avait le visage lourd, comme à son habitude. Il y avait visiblement toujours une certaine colère envers le nouveau chef.

Lionnel, je ne vous aime pas. Je ne crois pas que vous soyez digne ou capable de diriger Kahara et il est fort probable que je n'accepte jamais de vous servir, mais je vais tout te même vous dire que vous ne voulez pas vous rendre auprès de Cnek pour lui demander de faveur. Vous n'avez absolument rien à en tirer et vous ne voulez pas faire cet échange.

Si la réplique de Téléras aurait dût froisser la haute-prêtresse, cette dernière ne le démontra nullement, allant même jusqu'à approuver ses paroles. Elle en revint au Prince :

- Sir, je sais que vous souffrez énormément. Je sais aussi qu'il est dur de perdre l'amour. Mais la vie est remplie d'épreuve, et si vous flanchez à celle-ci alors que votre existence est encore jeune, vous risquez fort de le regretter. Ce n'est certainement pas ce que Nyma voudrait. Elle vous voudrait fort, capable et volontaire. Pour tous les efforts qu'elle-même a fait, pour les larmes qu'elle a versé pour ce village, faîtes échos à ses actes et continuez ses réalisations, mais de grâce : n'essayez pas de prendre sa place. Elle vous en voudrait et pourrait vous haïr maintenant qu'elle est si près de son dieux. Vous souffrez : c'est NORMAL. Ça fait partit de la Vie. Maintenant relevez-vous et rendez votre aimée fière de votre personne.

Était-ce aussi une pointe envers le chevalier ? Aucune façon de le savoir, mais Lesly semblait sincèrement convaincue de ses propres paroles.

Lesly eut un signe de tête entendu vers Lhionnel. Lorsque Téléras voulut partir, elle dit :

- Un instant. Maintenant que nous sommes seuls et que le village semble calme, vous plairait-il de parler un moment ?

Je suppose que j'ai le temps maintenant pour le faire...

Approuvant d'une mimique entendue, la Haute-Prêtresse parle d'un ton calme et posé :

- Les paroles que vous avez proférées envers Lhionnel étaient justes et droites. Bien que j'ai pûs remarquer une certaine animosité entre vous deux, n'est-ce pas ? Vous faîtes donc du clivage à Kahara, Téléras ?

Téléras eu un sourire très prononcé.

Je suis désolé de ne pouvoir vous répondre, vous utiliser un vocabulaire beaucoup trop recherché pour le simple soldat que je suis.

- Vous "séparez le bon grain du mauvais" si vous préférez. Je veux dire par-là que vous avez une attitude tout à fait positive face à monsieur Timmy et Mlle Naémie, mais vous vous révélez tout à fait détestable envers Sir Lhionnel. Je tiens simplement à vous souligner que Cnek ne fait pas de "clivage", et qu'il serait peut-être bien, pour vous comme pour les habitants de Kahara, que vous commenciez à être moins partial. Vous avez demandé vous-même à travailler Cnek, peu importe les raisons qui vous ont menées vers lui : vous contribuez par votre attitude à creuser un fosset entre les gens et le dieu de la mort. Ceci n'est point un ordre pour le moment, c'est un simple conseil. Nous travaillons dur pour anihiler les fausses croyances et les mauvaises impressions des gens sur nous. Méditez là-dessus.

Toujours calme et passive, la Haute-Prêtresse attend la réaction du chevalier.

Téléras resta un long moment à fixer la haute-prêtresse avec le regard mi-froid, mi-aggressif qui lui était caractéristique.
Après quelques minutes à la fixer dans les yeux, il fit un très léger signe positif de la tête.

Je ne promets pas de miracle. Je ne me suis pas rendu là où je suis aujourd'hui en étant doux et docile. Mais oui, j'ai donné mon âme et je tiendrai parole.

La Haute-Prêtresse reste d'un calme plat devant le regard glacial de Téléras. Lorsqu'il acquiesce, elle ajoute :

- Je crois que les croyances face à l'âme sont érronées en l'esprit de plusieurs personnes. Mais votre bonne volonté est fortement appréciée. Si je puis un jour vous rendre la monnaie de votre pièce, n'hésitez surtout pas.

Sur ce, elle s'incline avec respect :

- Merci, Téléras.